Le miniblog de MINILOUP

Il faut vous préciser que P’tit Loup traverse en ce moment ce que les psychologues appellent la phase d’opposition : quand c’est l’heure de la sieste, il faut le raccompagner dix fois dans son lit avant qu’il accepte d’y rester et éventuellement de s’endormir. Il sait bien qu’il est fatigué mais il cherche à montrer comme ça que c’est lui qui décide. Le seul problème, c’est que les parents ne sont pas vraiment d’accord et qu’au bout du compte, il finit quand même par se retrouver dans sa chambre avec la porte fermée à clé.

Je dois bien avouer que pour ma part, je suis pour le moment un enfant très docile. Enfin, je commence un peu à expérimenter mon autonomie, parce qu’avec le frère que j’ai, il faut bien que je m’affirme un peu aussi. Par exemple, depuis quelques jours, j’ai découvert un truc assez drôle. Je mange consciencieusement ce qu’on me propose en ouvrant grand la bouche et tout à coup, sans prévenir, je donne un grand coup dans la cuiller pleine de soupe. Ca fait beaucoup râler maman mais ça me fait beaucoup rire…

Mais je n’en suis pas encore au niveau de mon grand frère. Lui, par exemple, il escalade une chaise puis il monte sur la table du salon et là, il se met à danser en chantant très fort sa petite ritournelle « tatatataa tatatatatataaa Â». Là en général, maman arrive et le gronde fort alors il la regarde droit dans les yeux et il pousse un cri perçant (si vous n’avez jamais entendu mon frère crier, vous pouvez difficilement imaginer à quel point il a un cri strident), alors maman lui fait les gros yeux et lui dit d’arrêter tout de suite alors il la fixe de nouveau et il crie encore plus fort alors maman le prend à bras le corps et l’enferme dans sa chambre. Ah, c’est quelque chose, la phase d’opposition, je voudrais bien y être aussi… Par exemple, il parait qu’il y a des enfants qui font des spasmes du sanglot : ils pleurent tellement fort qu’ils en tombent dans les pommes. Quand maman a appris ça (c’était à une réunion organisée par la crèche avec une psychologue, justement sur la phase d’opposition et les colères) eh bien, elle a trouvé que son P’tit Loup était pas si terrible que ça finalement et quelque part, elle a eu l’air soulagée. Moi, je crois que pour moi, le spasme du sanglot c’est raté : d’abord, je m’y prends un peu tard, certains maîtrisent déjà ça à deux mois, et en plus, je ne suis pas trop du genre à pleurer… Quoique là, je commence à entrer dans ma phase de prise de conscience de la séparation, et je commence à m’y mettre un peu quand maman s’éloigne…mais il y a des progrès à faire. Ceci dit, j’ai le temps d’y penser, normalement, la phase d’opposition ne commence pas avant 18 mois. Mais ça me laisse quand même rêveur de voir toutes les phases par lesquelles je suis sensé passer avant d’être grand…et ce n’est qu’un début, je ne vous parle même pas de l’adolescence, parce que ça, même papa et maman préfèrent ne pas y penser…

Mais je reviens à mon bac à sable. P’tit Loup émergeait donc à peine de sa sieste quand maman a demandé à papa : « bon, alors t’es toujours d’accord pour y aller ? Â». Papa a dit oui, mais on sentait bien qu’il n’était pas emballé. Je me suis dit qu’on partait en promenade parce que papa a plié la poussette dans le coffre, maman a attrapé nos blousons et on s’est retrouvés tous les deux – P’tit Loup et moi – accrochés dans la voiture avec un biberon d’eau dans la main. Pourtant, au bout d’une demi-heure de route, il a bien fallu se rendre à l’évidence : on n’était pas partis en promenade, mais en courses – d’où la réaction enthousiaste de papa…Et là, horreur, on s’est retrouvés dans un magasin rempli de chaussures.

Jusqu’à maintenant, je m’étais toujours assez bien débrouillé pour avoir le pied le plus libre possible. Maman avait fini par renoncer à me mettre des chaussettes pendant mon premier été parce que je ne les gardais pas dix minutes de suite. Ensuite, je me suis arrangé pour larguer au cours d’une promenade un des petits chaussons-chats qui m’enveloppait tout le pied. Maman avait donc abandonné le deuxième mais ne s’était pas avouée vaincue. Elle avait racheté une petite paire de chaussures souples, plus décoratives qu’autre chose, mais qui m’enfermait quand même le pied. Au bout de quelques jours, je maîtrisais de nouveau le largage de la chaussure et de la chaussette en prime. Je pensais m’être débarrassé définitivement du problème sur un coup de maître : pendant la célébration de mon baptême, je renouvelai l’opération et ma chaussure se retrouva abandonnée au milieu de l’église. Mon parrain s’en aperçut et s’en saisit lestement. La deuxième chaussure risquant de subir le même sort, maman la lui confia aussi. C’est ainsi que mes deux chaussures se retrouvèrent au fond de la poche du manteau de mon parrain… qui ne s’en rendit compte qu’une fois rentré chez lui. Ayant ainsi mis quelques centaines de kilomètres entre mes chaussures et moi, je pensais avoir réglé définitivement le problème.

 Mais, là, dans ce magasin rempli de chaussures de toutes les couleurs, il fallut bien se rendre à l’évidence. La vendeuse qui s’approchait de moi avec sa planchette en plastique ne venait pas me proposer un nouveau jeu mais elle venait mesurer mon pied. J’en profite pour vous l’annoncer maintenant, je pense que ça vous fera plaisir de l’apprendre : c’est officiel, je chausse du 20. Après ça, maman a commencé à choisir des petites chaussures un peu ouvertes pour l’été. C’est vrai qu’elles étaient plutôt mignonnes mais manque de chance, il parait que j’ai le pied fort et il refusait d’entrer. Après plusieurs essais infructueux, il a fallu se rabattre sur une paire montante fermant avec des lacets. Je vous assure qu’une fois que j’ai le pied ficelé là-dedans, je n’ai aucun espoir de pouvoir le ressortir, il est mieux maintenu que la chair à saucisses dans une paupiette de veau. Maman a fini par se laisser convaincre et on est donc repartis avec une petite boîte contenant les fameuses chaussures. Je me retrouve donc propriétaire malgré moi d’une paire de chaussures que maman s’est mis en tête de me faire porter régulièrement J’ai bien essayé de protester (essayez donc de faire du 4 pattes en traînant des semelles en gomme derrière vous...) rien n’y a fait, maman me dit que je vais m’y habituer, que je ne vais pas pouvoir continuer à aller pieds nus partout quand je marcherai, et elle me ligote le pied dedans au moins deux heures par jour. Ah je vous jure, il y a des jours où on n’a vraiment pas envie de grandir !